Les premières minutes, la première demi-heure peut-être, de ce film m’ont semblé parfaites. On se sent subjugué par l’actrice, écrasé avec elle par ce qui lui arrive. Les lumières sont remarquablement belles, la caméra est à la distance juste pour émouvoir sans trop en faire ou manquer de respect, le cadrage est très harmonieux, les personnages ont aussi une grande consistance, comme s’ils avaient « habité » les acteurs avant le film.
J’ai même pensé, ravie, au cours de ces premières minutes : voilà un film à 4 étoiles.
L’histoire est la suivante : Umay, une jeune femme turque d’origine allemande décide de quitter Istanbul avec son fils pour retourner dans sa famille en Allemagne car son mari est violent et elle craint pour elle-même et son fils. L’accueil de ses proches ne sera pas celui qu’elle attend.
J’ai été frappée immédiatement par l’intensité des regards des acteurs dans ce film. Comme des billes d’obsidienne noires et luisantes. Une telle intensité est rare et elle me fascine toujours.
Ce qui est narré, montré, est difficile et on se trouve tiraillé en permanence entre le refus en tant qu’occidentaux de traditions ou conventions qui nient ou minimisent une violence faite aux corps et aux esprits que nous qualifions d’inacceptable à l’égard des femmes, mais aussi des hommes (le personnage du petit frère d’Umay est très convaincant) et la nécessaire acceptation d’une vivante différence, y compris culturelle et religieuse.
La réalisatrice a visiblement une très bonne connaissance de cette communauté turque en Allemagne et j’ai aimé la découvrir grâce à elle.
Ces grandes qualités étant posées, je ne saurais pas dire exactement quand j’ai commencé à douter de mes 4 étoiles, mais à un certain point la musique était parfois légèrement de trop ou ne convenait pas (dans mon idée bien sûr) aux scènes, et l’histoire avec le jeune allemand, tout en étant très touchante, avait quelque chose de convenu dans la manière apparemment « idéale » (même si plausible ?) dont elle était montrée. La situation de l’héroïne était toujours voire encore plus épouvantable (à en culpabiliser presque de critiquer !!), mais il y avait un petit « trop » dans les scènes, la manière de filmer l’avancée dramatique du film.
Comme si le point de vue, imperceptiblement, non seulement laissait percer le regard de l’Occident mais en plus, et c’est là que le bât blesse un peu pour moi, forçait le nôtre.
Je n’ai pas aimé la fin. C’est là plus une question de logique cinématographique et de message délivré par le film que de jugement pur, je ne m’y attendais pas mais elle s’insère dans cette subtile limite dépassée par le film et/ou la réalisatrice, comme si, déjà horrifiés, nous devions trouver le tout encore plus « déchirant ». Une fin plus classique m’aurait, une fois n’est pas coutume, davantage parlé.
Découverte et vrai coup de cœur pour l’actrice Sibel Kekilli qui apporte énormément au film en réussissant à tenir ce rôle délicat avec beauté, finesse et expressivité.
Le titre (original et traduit) est bien choisi : parfois, on est vraiment « loin de chez soi ».