J'ai mis quelques jours à m'extraire de cet état inconfortable entre perplexité et énervement suite à la projection du film « Black Swan ». Je dois le dire, cela faisait des mois que je l'attendais.
Etait-ce le milieu de la danse et sa représentation qui m'ont toujours fascinée ? Natalie Portman dans le rôle principal ?
Dans la file d'attente pour l'avant-première, jai pensé que j'allais être déçue. Quand je suis ressortie, je l'étais. Certes, seules les attentes génèrent potentiellement des déceptions.
Je ne connais que peu D. Aronofsky, j'avais cependant vu « Requiem for a dream ». Ce film m'avait laissé une profonde sensation de malaise, je l'avais trouvé très bien fait. Tout comme un électrochoc, la sensation de douleur qui m'atteignait venait par vagues hachées d'images. Du siège d'où je regardais le film, je m'étais à la fin retrouvée les genoux ramenés vers la poitrine, assise par terre. Ce film était novateur, « horrible » au sens premier du terme. Je ne peux pas dire la même chose de Black Swan.
Je ne peux que reconnaître la grande maîtrise qui se dégage du film, tant sur le plan de l'image que sur celui du son. Comme certains exposés en classe, trop maîtrisés pour susciter l'émotion même quand le sujet est passionnant.
Pour les sensations, j'ai été plus que servie. Pour les émotions, je suis restée sur ma faim (à titre de parenthèse, c'est un peu le reflet de notre époque, mais c'est presque comme si je n'avais rien dit).
Quelque part, j'aurais aimé être embarquée, souffrir (toutes proportions gardées !) avec Nina Sayers. Je n'y suis pas arrivée. Damn.
La musique est magnifique mais un peu trop présente. J'aurais apprécié quelques silences et je soupçonne que le film en aurait également profité.
Le milieu de la danse m'y semble justement représenté, avec l'inévitable cruauté de ceux qui y gravitent liée à l'irréversible défaite du corps (le jeu de miroirs entre la danseuse qui se hisse au sommet et sa mère portant le masque âgé de la danse est réussi - je note au passage l'interprétation de l'actrice Barbara Hershey) et la douleur physique dont l'aspect intolérable laisse sur le bord du chemin nombre de personnes (en échange d'une éphémère gloire ? pour la beauté de l'Art ?).
Je n'ai pas trouvé les interprétations de Vincent Cassel ou de Mila Kunis transcendantes bien qu'appréciables, Winona Rider réussit aussi à se faire une petite place, mais quoiqu'il en soit et cela ne peut leur être reproché, toutes et tous sont éclipsés par Natalie Portman et son rôle/itinéraire torturé et tortueux.
Le fait que les multiples miroirs à facettes et les gros plans (nuisant en partie à la légèreté de l'ensemble - qui de toute façon ne l'est pas) aient contribué à sa crédibilité en tant que danseuse ne me pose aucun problème, je dis « Chapeau bas » ne serait-ce que pour la performance physique. L'expressivité du visage est étonnante, le corps est déformé, en l'espace de quelques minutes le spectateur passe d'une jeune fille fragile, naïve, stéréotypée à l'extrême (ah, nous ne sommes pas dans la finesse côté personnalités), à un être de plus en plus indescriptible et quelque peu effrayant. La palette/métamorphose visuelle étant largement supérieure à la plupart des rôles, il est certain que Natalie Portman obtiendra plusieurs récompenses méritées pour ce rôle. Cela étant dit, là où j'ai été dérangée, c'est que je n'ai pour autant jamais oublié qui évoluait derrière les Cygnes. A titre de comparaison, Diane/Betty (Naomi Watts) dans Mulholland Drive avait chamboulé durablement mes repères.
L'idée du double était très intéressante, et l'univers de la danse un théâtre magique. Je trouve dommage que les nuances de gris n'aient pas été exploitées, au profit d'un contraste blanc/noir aux allures de char d'assaut.
Deux étoiles pour le film, trois pour l'actrice.
Dans le journal Métro (qui en soi n'est pas une référence), j'ai pu lire les propos suivants du réalisateur : « Pendant dix ans, j'ai rêvé de films que j'étais le seul à vouloir faire. De gros producteurs veulent travailler avec moi ? Je suppose qu'ils savent désormais à qui ils ont affaire ! »
Je ne sais pas comment dire... Ca manque un peu de finesse, non ?