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1 mars 2013 5 01 /03 /mars /2013 07:59

 Twin peaks    twinpeaks-front

 

Cela faisait assez longtemps que je m’étais promis de le faire, et le moment est arrivé !

 

J’ai mis, comme disait Fernand Raynaud que j’ai toujours beaucoup apprécié, « un certain temps » pour visionner l’intégralité de la série Twin Peaks (1990) en dvd, dont l’unicité tient en 29 épisodes, un pilote de 90 minutes, un épisode de 90 minutes, et 27 épisodes d’environ 45 minutes.

Mon blog en a pâti un temps tout aussi certain, mais comment décrire cet univers si particulier dans lequel on plonge lorsqu’on visionne une œuvre de David Lynch (et dans ce cas, Mark Frost également) et dont il faut ensuite émerger ?

Fascinant, onirique, sensuel, décalé, grotesque, déstabilisant, insaisissable. Un kaléidoscope assez troublant qu’il me serait impossible de décrire précisément, tant il me semble sans fond.

 

Je ne suis pas très « séries », je n’ai pas la télé, mais j’ai fait une exception car j’ai été très marquée par certains des films de Lynch que j’ai pu voir jusqu’à présent : Elephant Man, Lost Highway, Mulholland Drive.

Et je dois dire qu’au fil des épisodes, j’ai vu repasser dans ma tête une grande partie de Mulholland Drive tant on retrouve d’éléments et références de la série dans ce film.

 

Le synopsis est le suivant: un meurtre a été commis à Twin Peaks, une petite ville du nord-ouest des Etats-Unis en apparence tranquille. La jeune Laura Palmer est retrouvée morte nue au bord d'un lac, enveloppée dans du plastique. L'agent spécial du FBI, Dale Cooper, envoyé sur place pour démasquer le coupable, mène l'enquête avec le soutien du shérif local, Harry Truman. Ces investigations les amènent à révéler au grand jour les sombres secrets des uns et des autres. Pendant ce temps, d'inquiétants phénomènes se produisent... 

 

Cette série est décrite comme n’appartenant pas à un genre en particulier. Et c’est vrai ! Elle tient à la fois du policier, du fantastique, du thriller, du drame, du soap opera,…

Son humour, très décalé, m’a aussi énormément plu.

Il tient pour beaucoup à certains des personnages, avec une mention spéciale pour l’agent spécial Dale Cooper (excellent Kyle MacLachlan, son seul personnage pourrait noircir des pages entières), à son supérieur Gordon Brown (David Lynch, sourd comme un pot), et à l’agent Albert Rosenfeld (aux réparties cinglantes et cyniques).

 

Twin peaks2                                    Twin peaks3

 

Dans quelle autre série pourrait-on trouver cette combinaison de personnages, de répliques et de situations improbables ? Un agent spécial du FBI qui dans ses méthodes d’investigation utilise sa passion pour le Tibet et l’interprétation de ses rêves ?

Qui raffole des tartes à la fraise/cerise, avoue une gourmandise compulsive pour les donuts, et s’intéresse aux pins de la région (« Douglas pines ») dès son arrivée alors même qu’il s’apprête à voir le corps de la victime qui doit être autopsiée ? Qui fait part de ses réflexions les plus incongrues à sa secrétaire par le biais d’un dictaphone ?

Une femme qui porte une bûche dans ses bras et qui sait entendre ce que le bout de bois lui dit ? Une femme à l’œil bandé qui retombe en adolescence et bat tous les membres de l’équipe de football locale à la lutte tant sa force est incontrôlable ?

Autant de jeunes (et moins jeunes) femmes qui pourraient presque toutes concourir avec succès pour le titre de Miss Twin Peaks (et de ce fait autant de triangles amoureux) ?

Un personnage énigmatique nommé Bob, dont on ne démêlera jamais vraiment le mystère ?

Un nain habillé en rouge qui danse sur un lit ?

Des situations loufoques, d’un ridicule et d’un humour consommés, succédant sans transition aucune (ou presque) à des scènes effrayantes, sombres ?

Une musique lancinante, concoctée par le compositeur ‘attitré’ de Lynch, Angelo Badalamenti (celui-là même dans le rôle du producteur qui recrache dédaigneusement le café sur une petite serviette dans Mulholland Drive face à Justin Théroux) ?

Un générique à nul autre pareil, sans aucun personnage, où se succèdent des vues des paysages de la région et de la scierie de la ville ?

Des dialogues ciselés, répétitifs, dans une langue américaine truculente ?

Des plans esthétiques, longs comparé à la durée de chaque épisode, des plans non pas de télévision mais bien de cinéma ? (Les Inrocks ne parlaient pas pour rien, en 2011 suite à la diffusion de la série sur Arte, de série qui a chamboulé le rapport entre le cinéma et la télé)

 

                                  twin peaks 13a

 

Certes, la série s’essouffle dans la saison 2, mais il me semble que cela est propre aux séries… Il reste tout de même à la fin des 29 épisodes une atmosphère indélébile.


Elle fait une place incroyable aux rêves (un réservoir où l’inconscient se déverse en flots incontrôlables), au côté obscur de chaque être, à la quasi-schizophrénie de la plupart de ses personnages. Sous des apparences tranquilles, dans des lieux reculés et semblant si paisibles (dans le nord de l’Etat de Washington, à quelques kilomètres du Canada, une ville de 50000 habitants entourée de forêts, un reflet d’une certaine Amérique et de ses tabous - il paraît que la série "Les revenants" semble inspirée à ce niveau là de la série) se cachent des secrets redoutables, des pensées inavouables, des bois habités, une noirceur effrayante. Il y est question de doubles, de ‘jumeaux’, de miroirs qui ricanent à pleines dents, d’organisations secrètes, de secrets occultes.

A l’instar des derniers films de Lynch, il ne faut pas essayer de percer les mystères des eaux troubles de Twin Peaks, ce serait à mon sens peine perdue.

Un univers à part entière d’un réalisateur qui je crois ferait s’arracher les cheveux de bien des psys, et que je ne saurais que déconseiller aux amateurs de films dans lesquels on trouve toujours des réponses nettes.

 

Mais après tout, je suis plutôt de l’avis de Louis Malle (merci Lydie pour l’envoi de cette citation): « Je préfère quand le spectateur sort avec des questions plutôt qu’avec des réponses. »


Quelques sites ou articles très complets et/ou bien documentés (notamment sur les références et clins d'oeil, dont j'ai davantage eu l'intuition que la lecture nominative, faute de culture ciné (encore!) suffisante) sur cette série :
http://www.twin-peaks.fr/
http://www.afds.tv/twin-peaks.html
http://www.ed-wood.net/twin-peaks.htm

Et pour le plaisir, quelques petites citations :

- Un extrait d’un rapport à sa secrétaire via le dictaphone par l’agent spécial Dale Cooper :
« Diane, it is 4:28 am, I have just been woken up by the most god awful racket which you can probably hear over the sound of my voice. (pauses to record the loud singing) Can you hear that? Up until this moment, I've experienced nothing at the Great Northern Hotel but the most pleasant, courteous service imaginable. However, it just goes to prove a point that once a traveler leaves his home he loses almost 100% of his ability to control his environment. Diane I was wondering if you could overnight express to me two pairs of those Ear Pillow silicone ear plugs which I used on my last trip to New York. Naturally I didn't bring them with me on this trip because I didn't feel it would be necessary.
However. »

- Une réplique parmi les plus drôles (ce n’est que mon avis !) : au moment où l’adjoint Andy Brennan épluche, avec la secrétaire du shérif Lucy Moran (ci-dessous) dont il est amoureux transi, des revues X pour y trouver des indices pour l’enquête en cours, il lui fait part de son embarras par rapport à cette situation délicate ; Lucy lui répond avec un air tout à fait indescriptible sur le visage (entre offusqué et incrédule) : « But Andy, we’re professionals ! »

 

Twin peaks4

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commentaires

T
J'en ai vu de bonnes séries, mais celle-là est clairement au-dessus et est même bien au-dessus de certains films. Ton billet résume bien ce que je pense de cette formidable série : une série<br /> révolutionnaire qui a clairement changé le monde de la télévision et même le cinéma.<br /> c'est vrai que la saison 2 est un peu étrange, presque décevante par rapport à la saison 1 (le fait qu'on ait déjà découvert le tueur de Laura Palmer en est un peu la cause) mais le dernier épisode<br /> m'a vraiment marquée, jusqu'à la dernière seconde, et rien que cet épisode relève largement le niveau.
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C
<br /> <br /> Merci pour ce commentaire. Ce que tu dis sur le dernier épisode est exact! Je l'ai regardé avec une sensation d'enfermement dans un labyrinthe, partagée entre l'acceptation d'une 'logique<br /> lynchienne' implacable et le refus de quelque chose d'inacceptable?!<br /> <br /> <br /> <br />
L
D'accord avec la personne qui regarderait bien cette série à l'hôpital ... Moi, j'aurais envie de la regarder rien que pour cette réplique : "We are professionals" ;-)
Répondre
L
Merci pour cet article !<br /> Ce côté décalé me tente bien.<br /> Je te donnerai un retour rapidement après visionnage.
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I
Je ne connaissais pas la série! Mais pourquoi ne pas tester en effet! David Lynch est un grand monsieur, je ne pense pas être déçue :)
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J
A programmer aussi pour les longues hospitalisations, plutôt que les bruits et les erreurs qui encombrent l'écran des blanches chambres...
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C
<br /> <br /> L'Agent spécial Dale Cooper mettrait de l'ambiance dans les blanches chambres, à n'en pas douter! :)<br /> <br /> <br /> <br />

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